En quelques années, les systèmes de santé en Afrique, et tout particulièrement en Afrique sub-saharienne, ont connu des transformations majeures. Ces changements sont caractérisés par une croissance à deux chiffres, qui devrait se poursuivre sur les prochaines décennies. Les enjeux majeurs dépendent des équilibres démographiques, sanitaires et géopolitiques de demain. Cela place l’Afrique au cœur des changements globaux en matière d’alimentation, de santé et d’environnement. Cette dynamique explique la politique d’investissements en cours. Faisons le point sur ces perspectives économiques qui stimulent la politique de santé sur tout le continent africain.
Les systèmes de santé en Afrique : des faiblesses…
Depuis des années, de grandes institutions n’ont cessé de pointer les insuffisances des systèmes de santé en Afrique. L’une des principales études de l’OMS, en 2018, résumait cette faiblesse en quelques chiffres frappants : le continent africain regroupait 25 % des malades à travers le monde, alors qu’il ne représentait que 3 % des personnels de santé, 2 % des médicaments et 1,3 % des investissements financiers mondiaux dans l’économie de la santé et du soin. Même si les chiffres tendent à s’améliorer, l’écart à rattraper est considérable.
Dans une structure sanitaire très pyramidale, les études soulignaient notamment des problèmes quantitatifs et qualitatifs à tous les niveaux, du premier (dispensaires de proximité, soins maternels et infantiles…) au dernier échelon (centres hospitalo-universitaires de pointe). Cette offre de soins est depuis longtemps caractérisée par des acteurs multiples (privé, public, associations et ONG) mal coordonnés.
Au final, on estimait l’accès aux services essentiels de santé en Afrique couvert à seulement 48%, avec des pans entiers de la politique sanitaire, comme la prévention et la communication, trop longtemps négligés.
Alors que les maladies transmissibles sont globalement maîtrisées ailleurs dans le monde, l’Afrique sub-saharienne poursuit donc sa lutte pour tenter de les juguler, avec à terme un risque majeur : celui de la « double peine ».
…Les effets du changement climatique…
Depuis des années de nombreuses ONG telles que Greenpeace, Friend of the Earth International ou encore Oxfam France, et des organisations internationales comme l’OMS et l’UNICEF alertent sur les effets délétères du climat sur la santé. Tous les spécialistes reconnaissent aujourd’hui le lien étroit entre changement climatique et défis sanitaires de demain, et les conséquences en termes de politique de santé et d’investissement médical.
L’approche doit être globale, tant les interactions entre santé, climat et géopolitique sont nombreuses et complexes :
- Le réchauffement climatique agit directement à travers des vagues de chaleurs croissantes, fragilisant la santé des populations les plus exposées (personnes âgées, nouveau-nés, malades chroniques…) ;
- Il favorise également le développement de situations météorologiques extrêmes (cyclones, inondations…) propices au développement de nombreuses épidémies, comme le choléra ;
- L’inaction climatique est responsable d’une transformation des biotopes, avec le risque de voir des insectes s’installer dans de nouvelles régions, devenant alors des vecteurs endémiques pour des maladies infectieuses considérées jusque-là comme « tropicales » : des pathologies comme le paludisme, la dengue ou le chikungunya pourraient ainsi s’étendre, par exemple, sur une bonne partie du continent européen ;
- La remontée des températures modifie aussi localement les écosystèmes, pouvant favoriser l’émergence de nouvelles zoonoses ;
- Le réchauffement climatique va enfin être responsable d’une augmentation des migrations de populations à l’échelle mondiale, favorisant de facto la circulation des maladies.
Selon l’OMS, le changement climatique serait déjà responsable de 150 000 décès par an, et cette surmortalité devrait doubler d’ici 2030. Des zones entières comme l’Afrique subsaharienne seraient alors parmi les plus touchées. C’est pourquoi la première journée dédiée à la santé lors de la COP 28 représente un vrai espoir.
…Mais aussi des atouts, promesses d'opportunités économiques
Avoir un regard pessimiste sur l’économie de la santé en Afrique serait une erreur, car il existe désormais une prise de conscience chez l’ensemble des acteurs politiques, sanitaires, économiques, qu’ils soient publics ou privés, locaux ou internationaux, avec des perspectives optimistes pour les populations.
Dans un passé récent, la crise du Covid19 a montré que l’Afrique savait aussi faire preuve de résilience face à des défis sanitaires majeurs. Non seulement, la catastrophe sanitaire n’a pas eu lieu mais en à peine 2 ans, le continent Africain a su rebondir et se doter de deux usines de production de vaccins à ARN messager, l’une en Afrique du Sud, la seconde au Rwanda. Les transferts technologiques, accolés à des investissements massifs, ont permis cette réussite sanitaire, industrielle et technologique. Dans un passé plus ancien, l’Afrique avait déjà prouvé sa résilience, finissant par contrôler avec un certain succès des épidémies majeures, comme le Chikungunya en Afrique de l’Est ou le virus d’Ebola en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Cette résistance aux épidémies s’avère d’autant plus efficace qu’un pays a déjà été touché par une première vague, prouvant l’efficacité du retour d’expérience et des investissements effectués.
Depuis 2015, les dirigeants mondiaux représentés à l’ONU se sont engagés dans des objectifs de développement durable, visant un accès aux services de santé essentiels couvert à 90 % d’ici à 2030. La pandémie du Covid19 a servi de catalyseur pour multiplier les investissements, à l’image de la plateforme d’investissement coordonnée par l’OMS pour renforcer les services de soins de santé primaires. Son objectif s’avère très ambitieux, avec idéalement 371 milliards de dollars supplémentaires par an.
Ces investissements publics historiques en faveur de l’économie de la santé en Afrique créent un écosystème favorable, qui galvanise les ONG, les grands donateurs et les investisseurs privés. La croissance rapide du système de la santé se double d’une approche éthique, avec des résultats concrets à court-terme et à moyen terme, permettant de concilier une rentabilité élevée avec une vraie démarche sociale et responsable. Un seul chiffre permet de prendre conscience du potentiel : jusqu’alors, 1% des vaccins administrés en Afrique étaient produits sur place ; d’ici 2040, cela pourrait être de 60 %, pour une population en pleine croissance.
Les décisions de la COP 28 en matière de santé
Lors de la réunion santé climat du 3 décembre 2023, 120 pays, représentés par leurs ministres de la santé ou leurs délégations, ont approuvé une déclaration politique commune. C’est une grande première, dont les répercussions en matière d’économie de la santé en Afrique devraient être notables, en permettant une politique d’investissements dans le domaine médical encore plus ambitieuse.
Parmi les quatre objectifs principaux retenus par les dirigeants mondiaux, deux semblent vraiment prioritaires pour l’Afrique subsaharienne :
- Renforcer les systèmes de surveillance et d’information en matière de santé, pour s’engager dans une politique sanitaire exigeante de prévention et d’adaptation au changement climatique ;
- Diminuer les inégalités sanitaires et alimentaires, à travers notamment une couverture sanitaire universelle, assurant à tous une vraie protection sociale.
Bien évidemment, cela suppose que ces déclarations politiques s’accompagnent d’investissements supplémentaires dans l’économie de la santé africaine. Car comme le souligne l’OMS, seulement 0.5% des financements mondiaux alloués à l’action climatique sont aujourd’hui orientés vers le secteur de la santé. Cette Première Journée de la Santé de la COP 28 aura donc permis de rappeler l’importance de l’économie médicale, ces pays étant conscients qu’une politique sanitaire efficace doit disposer de moyens financiers suffisants pour traiter les problèmes à leurs racines.
Ces opportunités économiques pour investir dans le système de santé africain ou sub-saharien supposent toutefois de bien connaître les spécificités du marché, et le rôle des différents acteurs (autorités publiques, ONG, milieu associatif, investisseurs privés…). SEMEN AFRICA CONSULTING intervient pour repérer et analyser les opportunités, avec un double regard sanitaire et économique. Le but est de servir de trait d’union entre les différents acteurs intervenant dans l’économie de la santé en Afrique subsaharienne, avec une approche communautaire, globale et pragmatique. Concilier rentabilité et éthique au service des populations : magnifique défi pour la nouvelle année qui commence.
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